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Septime Sévère

(L. Septimius Severus Aurelius Antoninus, 193 à 211)



Les Septimii étaient originaires de Leptis Magna (ou Lepcis Magna) en Tripolitaine (Libye). Une branche de cette famille s'en vint à Rome, fit fortune et entra dans l'ordre sénatorial.

Notre Sévère (né en 146) faisait partie, quant à lui, de la branche plébéienne, restée en Afrique.

Coup de bol pour le futur empereur, les Septimii de Rome, tout romanisés qu'ils fussent, avaient gardé un esprit de famille tout africain. Les riches cousins eurent donc à cœur de prendre sous leur aile protectrice ce brillant jeune homme qu'était notre Sévère.

L'efficacité de leur coup de piston ne se fit pas attendre car, dès 170, Septime Sévère entrait au Sénat. Au cours des années suivantes, il allait se voir octroyer quelques postes rémunérateurs dans l'armée et dans l'administration des provinces. Bref, la carrière, on ne peut plus classique, d'un jeune homme fortuné…

En 181, l'arrivée au pouvoir de Commode, fils de Marc Aurèle marqua une pause dans son ascension. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il mit sa disgrâce à profit pour se parfaire son éducation et sa culture à Athènes.

Revenu en faveur vers 185, il reçut le gouvernement de la province de Lyonnaise.C'est d'ailleurs à Lyon qu'il rencontra Julia Domna, une princesse syrienne dont le père était grand-prêtre héréditaire d'El Gabal, le dieu solaire (Baal) d'Émèse. Or, Septime Sévère, dont les ambitions étaient démesurées, apprit que des astrologues avaient prédit à cette jeune fille qu'elle épouserait un jour un roi puissant. Il fit donc des pieds et des mains pour obtenir la main de la belle orientale. Ce furent là les secondes noces du futur empereur car sa première femme, une certaine Paccia Marciana était morte quelques années plus tôt).

De l'union de Septime Sévère et de sa princesse orientale, deux fils naquirent bien vite, Caracalla et Geta, et quelques filles dont on ne connaît pas grand-chose.

Après la mort de l'empereur Pertinax, Septime Sévère gouvernait la province de Pannonie supérieure (Hongrie) quand ses troupes le proclamèrent empereur (9 avril 193).

Les soldats de l'armée du Danube avaient été écœurés d'apprendre que les gardes prétoriens de Rome avaient disposé de l'empire comme d'une marchandise, mettant le trône aux enchères et empochant une monstrueuse gratification quand Didius Julianus avait remporté le marché.

"Si, raisonnèrent-ils, les Prétoriens, ces soldats d'opérette, ces mollassons pourris par le luxe et la dolce vita, peuvent s'enrichir en désignant un empereur, nous, nous pouvons tout aussi bien faire la même chose ! "

C'était peut-être une bonne idée… mais malheureusement, les légionnaires de Septime Sévère ne furent pas les seuls à l'avoir : au même moment, Pescennius Niger, était proclamé empereur en Syrie par l'armée d'Orient tandis qu'en Grande-Bretagne, Clodius Albinus l'était par ses soldats gaulois.

Dans l'immédiat, Septime Sévère se soucia de ses rivaux comme de sa première "caliga". Il lui fallait d'abord imposer son pouvoir dans la capitale de l'Empire. Il se déclara "vengeur de Commode et de Pertinax", fondit à marches forcées sur Rome et, le 9 juin 193, pénétra dans la Ville à la tête de ses troupes. Entre-temps, Didius Julianus, l'empereur des Prétoriens, abandonné de tous, avait été exécuté sur ordre d'un Sénat qui l'avait pourtant d'abord soutenu.

Maître de Rome, Septime Sévère pouvait maintenant s'occuper de ses concurrents. Il légitima d'abord son usurpation en prenant le nom de Pertinax, comme si celui-ci avait été son père adoptif. Ensuite, pour gagner du temps et comme il ne pouvait lutter sur deux fronts, l'empereur de Rome s'arrangea avec Clodius Albinus, qui tenait la Gaule et la Grande-Bretagne : il lui offrit le titre de "César", une promotion qui l'associait au trône. Clodius Albinus accepta et Septime Sévère put consacrer tous ses soins à son autre concurrent, Pescennius Niger.

Ça, c'était vraiment LE gros morceau : Niger tenait tout l'Orient romain, la partie la plus riche et la plus peuplée de l'Empire. Il avait reçu même le soutien des Parthes de Mésopotamie, ces ennemis héréditaires toujours prêts à tirer parti des dissensions entre Romains !

Comme la lutte s'annonçait serrée et qu'aucune aide n'était à négliger, Septime Sévère favorisa les Chrétiens. Ceux-ci, dans les provinces orientales de l'Empire que contrôlait Niger, formaient une minorité peut-être encore assez peu nombreuse, mais très soudée, très agissante et très remuante. Cette secte de fanatiques pourrait donc, sans nul doute, créer les pires ennuis à son concurrent. Mieux valait donc ménager ces exaltés, au moins temporairement.

Les opérations contre Pescennius Niger durèrent jusqu'en 194. L'usurpateur vaincu et tué, Septime Sévère alla châtier les Parthes qui avaient soutenu son rival.

L'Orient pacifié, l'empereur revint à Rome pour préparer les opérations contre Clodius Albinus.

Le dernier prétendant au trône fut battu à Lyon en 197 et se suicida. À cette occasion, Septime Sévère laissa libre cours à ses plus féroces instincts, car cet homme savait se montrer excessivement cruel et sanguinaire, un trait de caractère que l'on retrouvera - encore amplifié - chez son fils et successeur Caracalla. La répression fut féroce et tous les partisans de l'usurpateur furent exterminés, sénateurs compris.

L'année suivante, Septime Sévère consolida son pouvoir en se faisant reconnaître comme fils adoptif de Marc Aurèle, donc frère du pourtant détestable Commode. Son fils aîné Caracalla fut nommé Auguste et Geta, le cadet, César.

Ensuite Septime Sévère retourna en Orient pour régler leur compte aux Parthes. Il envahit la Mésopotamie, incendia Ctésiphon, la capitale ennemie, et annexa les territoires conquis.

Revenu à Rome, il profita d'une période de six ans de paix pour réorganiser l'Empire selon ses propres vues. Assisté du jurisconsulte Papinien qu'il avait nommé Préfet du Prétoire, il centralisa encore davantage l'administration, limita drastiquement le pouvoir du Sénat et privilégia outrageusement l'armée, la seule chose qui, d'après lui, comptait réellement dans l'État.

En 208, l'empereur accompagné de toute sa petite famille, se rendit en (Grande-)Bretagne pour repousser une invasion des Calédoniens d'Écosse. C'est là qu'après une campagne une nouvelle fois victorieuse, il trouva la mort à York le 4 février 211.

Nous avons signalé qu'au début de son règne, Septime Sévère favorisa les Chrétiens, sans doute pour renforcer ses positions en Orient contre l'usurpateur Pescennius Niger.

En fait, si l'on en croit l'apologiste chrétien Tertullien, c'est grâce à lui que le christianisme aurait reçu un début de reconnaissance officielle, même s'il n'y a pas de quoi se vanter : En effet, à l'instar de professions déshonorantes (tenanciers de bordels, etc…), les associations chrétiennes auraient obtenu, contre le versement d'une redevance annuelle, la protection des magistrats impériaux

Et pourtant, il paraît aussi que c'est ce même Septime Sévère qui, dans les années 202, fut le premier empereur à promulguer un édit de persécution contre les Chrétiens.

L'empereur aurait - et le conditionnel est de mise car cet édit, dont le texte est perdu, est très controversé - pris des mesures pour interdire les propagandes juive et chrétienne ainsi que les conversions à ces religions.

Comment expliquer cet hypothétique revirement ?

Tout d'abord, il est évident qu'il ne faut pas chercher de motifs religieux à la politique de Septime Sévère envers les Chrétiens. Si l'empereur, homme prosaïque et matérialiste, nous l'avons dit, avait favorisé les Chrétiens au début de son règne, c'était uniquement parce qu'il estimait qu'ils lui seraient utiles dans sa lutte contre Niger. Une fois l'usurpateur vaincu, ces Chrétiens redevinrent pour lui ce qu'ils n'avaient, finalement, jamais cessé d'être : des fauteurs de troubles, une dangereuse menace pour la paix intérieure et pour la sécurité extérieure de l'Empire.

Nous tenons là, s'il en était encore besoin, un indice très net du fait que le christianisme des premiers temps n'était pas (du moins aux yeux du pouvoir impérial) uniquement une religion d'amour fraternel, mais plutôt une dangereuse secte militante et agissante.

Les autorités romaines pouvaient déjà reprocher aux propagandistes chrétiens d'inciter le peuple à refuser le service militaire. Dans un état toujours menacé et toujours sur le pied de guerre, ceci pouvait être considéré comme un crime de haute trahison.

D'autre part, et cela peut paraître un peu étonnant de nos jours, les Chrétiens de cette époque entravaient la politique nataliste de l'empereur. En effet, si la fin du monde était aussi proche que ne le prétendaient ces excités, à quoi bon faire des enfants !

Et enfin, il semble bien qu'au moment où Septime Sévère aurait publié cet édit, des troubles messianiques (juifs, judéo-chrétiens, christo-judaïques…) auraient éclaté en Syrie.

Ceci expliquerait pourquoi seules les grandes villes d'Orient, en particulier la bouillonnante cité d'Alexandrie d'Égypte, auraient été touchées par cet édit … et pourquoi, pendant ce temps-là, à Rome, le pape Zéphyrin, sous les yeux mêmes du cruel empereur, coulait ses jours heureux entouré de ses ouailles.

L'auteur anonyme de l'Histoire Auguste semble d'ailleurs indiquer qu'il s'agissait bien de mesures très locales puisqu'il écrit : "En chemin (vers Alexandrie) il (Septime Sévère) promulgua un très grand nombre de lois destinées aux Palestiniens. Il interdit, sous peine de graves châtiments, la conversion au judaïsme et prit la même mesure à l'encontre du christianisme". (H.A., Sév., XVII, 1).

À noter aussi, et ce témoignage ne doit être négligé, que le grand théologien chrétien Origène, dont le propre père, à Alexandrie, aurait été victime de cette prétendue persécution religieuse, déclara un jour avec sa véhémence coutumière : "Il y a eu très peu de martyrs, et à des époques très espacées !"

Simple oubli, pardon chrétien des offenses, ou vérité sortant du puits ?

Mais, persécution "religieuse" ou "politique", cette répression qui s'apaisa bien vite, eut cependant un effet pervers pour l'Empire romain. En effet, en interdisant la propagande chrétienne, Septime Sévère radicalisait inéluctablement le mouvement chrétien. Seuls les prédicateurs "modérés" obéirent à l'injonction impériale. Les propagandistes les moins respectueux des lois, les plus téméraires, aux plus exaltés, aux plus fanatiques eurent ainsi le champ libre pour propager leurs doctrines extrémistes.



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