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Commode

(L. Aelius Aurelius Commodus, de 180 à 192)



L'empereur Commode, revenu récemment à la mode grâce au film Gladiator, est né le 21 août 161. Une date qui mérite d'être retenue puisque, ce jour-là, pour la première fois depuis la prise de pouvoir d'Auguste (27 av. J.-C.), un futur empereur "naissait dans la pourpre". Jusque-là,en effet, aucun "César", né pendant le règne de son père, n'avait hérité du trône paternel. En 79, Titus avait bien succédé à son père Vespasien, mais il avait trente ans, au bas mot, quand son général de papa s'empara du pouvoir ; il n'était donc pas "né avec une petite cuillère d'argent dans la bouche" !

Cela dit, Commode était-il vraiment le fils de Marc Aurèle, son père légal et putatif ?

Les historiens antiques, eux, ne se résignèrent jamais admettre cette filiation malencontreuse… Et d'imputer à Faustine, épouse de l'empereur-philosophe et mère de Commode, des aventures galantes.

Exemple : la matrone, dotée, paraît-il d'un postérieur à l'étoupe assez inflammable, serait tombée amoureuse sotte d'un beau gladiateur. Peu intelligemment, elle se résigna à confesser sa passion à mon mari. Le digne Marc Aurèle, philosophe stoïcien, donc sceptique par nature, condescendit cependant à consulter des mages et des astrologues qui lui conseillèrent un traitement radical. D'abord, naturellement, le gladiateur sacrilège devait être occis. Ensuite Faustine pendrait un bain de siège, chaud, parfumé et prolongé, puis ferait passionnément l'amour avec son époux légitime.

Il paraît qu'à la suite de cette savante médication, la passion de Faustine se dissipa aussitôt, mais que neuf mois plus tard,, le catastrophique Commode vint au monde.

Les biographes de l'Antiquité prétendent aussi que, très tôt, le jeune Commode montra à la fois l'instabilité de son caractère, son manque de goût pour les études et les belles lettres, son violent attrait pour les jeux du cirque et, surtout son désintérêt suprême pour le gouvernement de l'Empire. Et pourtant, contrairement à ce que le film "Gladiator" voudrait faire croire, son père Marc Aurèle ne remit jamais en cause sa désignation comme héritier du trône. Les remontrances du Sénat, le mécontentement de la foule, les mises en gardes de ses conseillers n'ébranlèrent pas la détermination du philosophe couronné : ce serait Commode qui lui succéderait, et advienne que pourra… "Après moi, le déluge…!".

Aveuglement paternel caractérisé ? Ou alors Marc Aurèle espérait-il, qu'avec l'âge et l'expérience, son fiston s'amenderait ? Ou bien alors, le vieil empereur pensait-il que son Commode, dégoûté de la politique, abandonnerait les rênes du pouvoir aux mentors sages et expérimentés laissés auprès de lui ! Ou enfin, ultime explication de cet incompréhensible entêtement, peut-être Marc Aurèle, estimait-il que Commode, quel que fût son père et quelles que fussent les tares de son caractère, avait d'imprescriptibles droits au trône romain. En effet, Commode, fils de Faustine, était aussi et surtout le petit-fils d'Antonin le Pieux ! Un jour, l'empereur-philosophe n'avait-il pas répondu à certains qui l'engageaient à se séparer de son épouse, l'inénarrable Faustine, que s'il abandonnait cette mégère, il lui faudrait également renoncer à la dot de la donzelle, c'est-à-dire l'Empire lui-même !

Et c'est ainsi que, dès ses plus vertes années, le lamentable Commode, gâté-pourri par un entourage trop indulgent à ses faiblesses, fut couvert d'honneurs extravagants et de titres ronflants. À six ans à peine, son père le nommait "César". À onze ans, il recevait le titre de "Germanicus". À 13 ans, il devenait prêtre ("Pontifex"). Et enfin, à quinze ans, son père le nommait "empereur" (27 novembre 177), l'associait au trône, et laissait ce gamin cruel et sournois triompher à ses côtés de par les rues de Rome.

Bref, Marc Aurèle prépara sa succession avec le même sérieux et la même minutie qu'il apportait à toutes les choses qu'il entreprenait. Et lorsque, le 17 mars 180, au retour de sa dernière et victorieuse campagne sur le Danube, l'empereur-philosophe s'éteignit à Vindobona (Vienne - Autriche), nulle voix ne s'éleva pour contester à Commode ses droits à la couronne impériale.

Le nouvel empereur se hâta de bâcler une paix de compromis avec les Barbares vaincus par son père. Ensuite, libéré de tout souci guerrier, il s'empressa de rentrer à Rome pour mener l'incomparable vie dont il rêvait depuis longtemps : une existence fastueuse et sensuelle, remplie de fêtes et de jeux, pimentée de débauches inédites et de luxure grossière, imbibée de vin et de sang.

Commode, qui était pourtant d'une férocité bestiale dès qu'il s'agissait d'affirmer ses prérogatives face à un Sénat de plus en plus excédé, laissa ses favoris gouverner à sa place. Et comme ces favoris (Pérennis, Cléandre et consorts…) étaient loin d'être désintéressés, la corruption et la prévarication envahirent tous les rouages de l'état et les exactions se multiplièrent.

Bien qu'il n'ait eu à faire face à aucune menace extérieure, Commode de plus en plus déséquilibré, parvint, en seulement dix-huit ans de règne, à compromettre gravement le prestige militaire et économique de Rome. La peste dépeuplait des régions entières, la famine sévissait un peu partout et des bandes de soldats livrés à eux-mêmes et non payés ravageaient la Gaule.

Pendant ce temps, à Rome, le paresseux empereur se pavanait dans l'amphithéâtre. Déguisé en cet Hercule dont il se prétendait la réincarnation, il combattait des fauves avec une énorme massue de bois… On prétend même que, dans sa folie, il aurait voulu que la Ville Éternelle porte désormais son propre nom et devienne la Colonia Commodiana !

Cependant, le règne désastreux de ce fou ne fut pas mauvais pour les Chrétiens. Ils n'eurent pas trop à se plaindre !

Il faut dire que (d'après saint Irénée) de nombreux Chrétiens servaient à la cour de l'empereur. De plus, Marcia, la concubine préférée de Commode, celle dont il appréciait tant le si joli costume d'amazone, tunique courte et sein nu, était une chrétienne fort dévote - saint Hippolyte de Rome l'appelle même Philotheos, l'amie de dieu !.

La gente dame allait même jusqu'à recevoir le saint pape Victor au palais impérial pour lui remettre les décrets d'amnistie, signés de l'empereur lui-même, et qui rendaient la liberté aux Chrétiens emprisonnés dans les bagnes de Sardaigne.

Comme le fait ironiquement remarquer le bon Edward Gibbon (Histoire du le Chute et du Déclin de l'Empire romain), il n'était sans doute pas fort facile à cette Marcia "l'amie de Dieu" de "concilier la pratique du vice avec les préceptes de l'Évangile".

Gageons qu'elle avait un confesseur compréhensif !

Cependant, si Marcia était bonne chrétienne, elle n'était guère disposée au martyre. Quand un jour, par hasard, elle découvrit - les femmes ont si souvent l'habitude de fouiller dans les paperasses les plus confidentielles de leur homme - son nom sur une liste de futurs condamnés à mort, elle ne perdit pas son temps à de vaines prières et se résolut aussitôt à l'action.

Comme Commode, bien propre et bien net, sortait d'un de sept bains quotidiens, elle lui offrit à la fois sa compagnie, bien voluptueuse, sa couche, bien moelleuse, et son vin, bien empoisonné.

Mais le bougre, malgré sa vie de débauche, et tout épuisé par le stupre qu'il fût, était encore fort comme un Turc ! Et le poison, après avoir provoqué un léger assoupissement, agit comme un vomitif.

Non seulement l'empereur ne voulait pas mourir, mais il rejetait le toxique !

Marcia, avec l'aide d'Allectus, son complice et futur mari, soudoya alors un jeune homme, un certain Narcisse. Ce costaud parvint à maîtriser l'empereur et l'étrangla.

Ah, douceur des temps évangéliques !



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