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Antonin le Pieux

(Titus Aurelius Pius, 138 à 161)



Antonin le Pieux est né en 86 à Lanuvium, dans le Latium.

Contrairement à Trajan et Hadrien, ses prédécesseurs, il accomplit toute sa carrière dans l'administration civile, devenant successivement questeur, préteur et consul (en 120). Ensuite, il montra ses capacités d'administrateur en dirigeant d'abord un district d'Italie, puis comme proconsul d'Asie.

En 138, Hadrien l'adopta. En effet Antonin était, en quelque sorte, le neveu de l'empereur : son épouse était une nièce de l'impératrice Sabine, femme d'Hadrien. Cependant, l'empereur ne l'adopta et ne fit de lui son successeur qu'à la condition expresse qu'à son tour, lui-même adopte Lucius Verus et le futur Marc Aurèle. Ce qu'il s'empressa de faire.

Dans l'esprit d'Hadrien, le règne son fils adoptif devait être de courte durée et Antonin un empereur de transition... Mais le bon Antonin était plus solide qu'il ne le croyait et tint les rênes de l'Empire pendant 23 longues années !

C'est peu après son accession au trône que le Sénat lui décerna le nom de "Pius" (Pieux). Non parce qu'il fréquentait assidûment les temples, et en particulier celui de Mithra, dont il avait introduit le culte à Rome, mais plutôt parce qu'il avait manifesté sa piété filiale à de multiples occasions. Il aurait ainsi donné le bras à son père naturel, qui, claudiquant, éprouvait de grandes difficultés à gravir les marches du Sénat. Et puis surtout, parce qu'il aurait légèrement forcé la main audit Sénat qui renâclait à accorder les honneurs divins à Hadrien, son père adoptif.

Le règne d'Antonin, ce fut un peu "l'immobilisme au pouvoir". Et pas uniquement parce qu'à l'inverse de son prédécesseur Hadrien, grand voyageur devant l'Éternel, ce pantouflard ne mit pas souvent les pieds hors de Rome ! Dans tous les domaines, l'empereur se contenta de gérer l'Empire en "bon père de famille", sans faiblesse mais sans génie.

Les frontières de l'Empire furent défendues avec vigilance, mais sans provocations hasardeuses.

Cette stratégie résolument défensive trouva toute son expression dans la muraille (Mur d'Antonin) que l'empereur fit construire en Grande-Bretagne entre le Forth et la Clide et qui "doublait" au Nord la fortification déjà édifiée par son père adoptif Hadrien.

On considère traditionnellement que le règne d'Antonin marque l'apogée de l'Empire romain. Il est vrai que l'Empire, à cette époque, avait atteint son extension géographique maximale. Il est tout aussi exact que, sous Antonin, aucune guerre ne fut déclarée et qu'aucune révolte majeure n'éclata dans les provinces.

Cependant, cet immobilisme forcené constitue bien la principale cause de la crise future de l'Empire au IIIe siècle. Pour survivre et prospérer, Rome devait impérativement rester une force conquérante, qui s'ouvrait de nouveau marchés, accaparait de nouvelles richesses, ouvrait et contrôlait des routes commerciales. La politique défensive, pacifique, immobile d'Antonin préparait et annonçait les futures difficultés financières, militaires et morales de l'Empire romain. Alors, parler d'apogée, tout est relatif !

Au point de vue religieux, Antonin "le Pieux" commença par abroger les lois d'Hadrien qui interdisaient la religion juive. Cependant, il maintint en vigueur les mesures qui freinaient le prosélytisme juif.

Jusqu'à cette époque, ce prosélytisme concurrençait fortement, et souvent avec grand succès, la propagande chrétienne. La politique religieuse d'Antonin, c'était donc une bonne affaire pour ces Chrétiens qui, depuis l'écrasement de la dernière grande révolte juive de 136, commençaient à prendre de très nettes distances avec le judaïsme.

C'est d'ailleurs à ce moment que, très progressivement et au prix de grosses prises de bec, que les Chrétiens commencent à ne plus célébrer la Pâques à la même date que les Juifs. Ceux -ci faisaient leur Pâque le 14 du mois de Nisan, quel que soit le jour de la semaine. À partir du milieu du IIe siècle, les Chrétiens, eux, célèbreront leur Pâques le dimanche qui suit cette date.

Cette évolution est assez troublante :

  • Ne démontre-t-elle pas que la "religion" chrétienne est restée fidèle aux cérémonies juives, beaucoup plus longtemps que les historiens chrétiens ne l'admettent communément ?
  • La fête de la Pâque juive est une fête de libération. En l'occurrence celle des Hébreux d'Égypte. De qui ou de quoi les Chrétiens, héritiers des mouvements messianiques juifs voulaient-ils se libérer ? Et pourquoi beaucoup de Chrétiens renoncèrent-ils à cet espoir de libération juste au moment où la dernière grande révolte juive était écrasée par les légions d'Hadrien ?
  • C'est en Asie Mineure, qu'éclatèrent, dans les années 155-156, les derniers soubresauts nationalistes juifs. Or ce sont les communautés d'Asie mineure, fortement teintées de judaïsme, qui, saint Polycarpe de Smyrne en tête, restèrent le plus longtemps et le plus farouchement attachées à la date juive.
  • Si la Pâque juive est la fête de la libération, la Pâques chrétienne, elle, célèbre la Résurrection du Christ. Jusqu'au milieu du IIe siècle, la principale fête chrétienne ne rappelait donc pas le principal dogme, le dogme fondateur de la religion chrétienne, mais coïncidait avec la grande fête nationale (voire nationaliste) juive ! La Résurrection du Christ était-elle si peu accréditée à cette époque ?

Mais revenons à Antonin le Pieux.

Il adopta envers les Chrétiens la même politique de méfiance libérale (ou de tolérance méfiante) que ses prédécesseurs Trajan et Hadrien.

L'historien ecclésiastique Eusèbe de Césarée nous a conservé un fragment de lettre où le bon Antonin donne ses instructions à ce sujet : "De nombreux gouverneurs de province avaient écrit à mon divin Père (= Hadrien) au sujet de ces gens (= les Chrétiens). Il leur avait répondu que ces individus ne devaient nullement être maltraités tant qu'ils ne seraient pas trouvés à comploter contre l'Empire romain. Beaucoup ont eu aussi recours à moi à leur sujet, et je leur ai répondu en suivant la décision de mon Père. Si donc quelqu'un continue à attaquer l'un de ces Chrétiens et le dénonce parce que tel, que ce Chrétien soit absous, même s'il apparaît qu'il est Chrétien".

Évidemment, semble dire Antonin, c'est dans la nature des Chrétiens de comploter contre l'Empire… Les personnes qui ne se rendent pas coupables de ce crime, ne sont donc pas de bons Chrétiens, de vrais Chrétiens ! Dès lors, si on dénonce comme Chrétien une personne connue pour être un loyal sujet de l'Empire, cet individu doit nécessairement, impérativement et immédiatement être absous !

La lettre d'Antonin concernant les Chrétiens ne constitue donc ni un blanc-seing, ni un certificat de bonne vie et mœurs pour l'ensemble de la communauté chrétienne, loin de là !

Dernière chose.

Nous venons de voir qu'Antonin interdisait qu'on poursuivît les Chrétiens sauf s'ils étaient reconnus coupables de complot contre l'État.

Or, la tradition chrétienne veut qu'en 155, juste au moment où des communautés juives (judéo-chrétiennes, christo-judaïques) se soulevaient en Asie mineure, le pape Pie Ier ait été martyrisé à Rome.

Le pape Pie, premier du nom, aurait-il été victime d'une erreur judiciaire ?



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